8 minutes 10 secondes de bonheur |
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Application des mathématiques Jean Prunin, Commandant de bord Concorde n°10, décembre 1999 |
Astronome amateur et passionné de tout ce qui se passe dans le ciel et lespace, jai eu lidée dutiliser la formidable vitesse du Concorde pour suivre léclipse solaire du 11 août 99 et faire durer le phénomène beaucoup plus longtemps quau sol, tout en saffranchissant du risque météorologique.
Létude des éphémérides mavait montré que la brièveté du moment de totalité était due au fait que lombre était animée dune vitesse de lordre de 900 m/s. Le Concorde volant à deux fois la vitesse du son, soit environ 600 m/s à 17 km daltitude, on devait pouvoir tripler la durée de lobservation puisque la vitesse relative tombait à 300 m/s. On remarquera quune éclipse équatoriale est beaucoup plus lente car la différence des vitesses angulaires terre-soleil qui génère le mouvement sétale sur un grand cercle alors que le rayon du parallèle 50° N nest que r = R cos L soit 0,64 fois plus petit que le rayon terrestre.
En regardant les circonstances locales dun peu plus près, je me suis rendu compte quil faudrait faire appel à mes souvenirs de trigonométrie du lycée car, bien sûr, la ligne de centralité nallait pas être la même à 17 km daltitude quau sol, puisque le cône dombre était incliné de 39° (hauteur du soleil).
Un simple transport de position permettrait de résoudre ce problème.
En regardant encore plus en détail, jai réalisé que même en considérant la terre comme plane sur la centaine de kilomètres occupée par lombre, on ne pouvait pas assimiler cette tache à un cercle car lintersection dun cône et dun plan est une ellipse et il a fallu que je retrouve mon cours de Math Sup sur les coniques pour men sortir. Jai pu déterminer les caractéristiques de cette ellipse.
Au lieu de se déplacer le long de la ligne de centralité, jai eu lidée de partir du point D (le plus en avant) pour sortir au point C (le plus en arrière) et ainsi parcourir dans lombre la distance DC » DC beaucoup plus longue que BA. Encore un peu de mathématiques pour déterminer le rayon de virage et finalement le paramètre fondamental de pilotage qui en découlait : linclinaison de lavion.
Bilan : au lieu des 2 minutes 10 secondes de totalité au sol, nous avons triplé, grâce à la vitesse de lavion, soit 6 minutes 30 secondes, et en suivant larc de cercle DC nous sommes passés à 8 minutes 10 secondes, presque quatre fois le temps de base.
De plus, le fait de faire un virage continu à 6° dinclinaison diminuait la hauteur apparente du soleil et améliorait lazimut qui augmentait avec la variation du cap et rendait lobservation de plus en plus facile.
Loutil mathématique sest ainsi révélé nécessaire pour optimiser la trajectoire mais sans la formidable vitesse de ce bel oiseau quest le Concorde, rien de tout cela naurait été possible.
Le spectacle des étoiles et planètes qui se rallumaient dans un ciel indigo, de la courbure de la terre parfaitement visible à cette altitude sur laquelle fuyait cette petite ellipse sombre valait bien
- une louche de mathématiques ;
- une cuillère à café de bon sens ;
- un doigt dintuition ;
- un zeste dexpérience ;
- un grain de réalisme ;
- une pincée de chance et mille autres choses encore que je ne saurais vous raconter ici