Commission
de réflexion sur l'enseignement des mathématiques
Communiqué
n° 7
29 novembre 2000
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Depuis son dernier communiqué, la CREM a poursuivi son travail sur les dossiers " Calcul ", " Mathématiques et Informatique ", et a commencé la réflexion sur le dossier " Statistique ". Ce travail s'est effectué à la fois lors des réunions de travail des groupes, lors des réunions plénières des 3 juin et 16 septembre 2000, et par échange de courrier électronique. La CREM continue d'autre part la réflexion sur le dossier géométrie, avec le souci d'exemplifier au maximum le rapport d'étape pour les professeurs de mathématiques de collège et lycée.
Ses membres ont été invités à une séance-débat à l'Académie des Sciences le 22 mai 2000 sur le thème " L'enseignement des mathématiques en liaison avec les autres disciplines ". Nous avons choisi de mettre en annexe de ce communiqué le compte-rendu de cette réunion.
Avant de vous proposer quelques éléments de notre réflexion sur les dossiers cités ci-dessus, il nous faut encore une fois revenir sur le problème de l'avenir de notre commission. Nous voyons actuellement deux possibilités :
La décision pour cet avenir dépend du ministère. Lors de la réunion du 16 septembre 2000, celui-ci a envoyé un représentant, Jean-Pierre Finance, qui a à la fois participé de façon très constructive à notre travail sur mathématiques et informatique, et pris acte des problèmes rencontrés par notre commission : il s'est engagé à nous donner pour la fin de cette année des réponses à toutes les questions que nous lui avons soumises quant à notre mode de fonctionnement, la reconnaissance et la diffusion de nos travaux, l'avenir de notre commission.
La commission a décidé de faire du calcul un de ses thèmes de réflexion. Il y a à cela plusieurs raisons. D'une part parce que le calcul est omniprésent dans les pratiques mathématiques, qu'il en est une composante essentielle à tous les niveaux, inséparable des raisonnements qui le guident ou qu'en sens inverse il outille. D'autre part, parce que, dans la période récente, le développement des technologies informatiques a profondément modifié les pratiques associées au calcul, tant les pratiques quotidiennes et sociales que les pratiques scientifiques. La plupart des algorithmes de calcul dont l'apprentissage occupait un temps important de la scolarité, notamment dans l'enseignement obligatoire, sont aujourd'hui implantés dans les calculatrices les plus simples. En revanche, le calcul pose des questions nouvelles liées notamment à la représentation informatique des objets mathématiques sur lesquels il porte (par exemple la représentation informatique des nombres), à l'effectivité des algorithmes utilisés , des questions qui n'étaient pas des enjeux de l'enseignement jusqu'ici. La puissance de calcul des nouveaux outils modifie enfin profondément l'économie du calcul et pose, dans des termes renouvelés, celle de la gestion des rapports entre calcul et raisonnement, en favorisant explorations, simulations, expérimentations. L'enseignement des mathématiques se trouve de ce fait, dans ses rapports au calcul, dans une phase de déstabilisation. On ne peut manquer de s'interroger sur ce que peut être, sur ce que doit être l'enseignement du calcul aujourd'hui, à la fois dans ses contenus et dans ses formes, compte tenu des besoins culturels, scientifiques et sociaux auxquels il doit répondre. C'est à la réflexion sur ces questions que la commission souhaite contribuer.
Ce rapport articulera :
Il inclura également des références à des travaux d'innovation ou de recherche, menés en France ou à l'étranger, susceptibles de nourrir la réflexion et de fournir des pistes intéressantes d'action.
Les premiers éléments pour un rapport d'étape sur le calcul rédigé par Michèle Artigue s'articule autour de deux grands axes :
Il est clair que la question qui se pose à l'enseignement n'est pas : faut-il enseigner le calcul, faut-il enseigner à calculer ? mais bien plutôt que faut-il enseigner aujourd'hui en matière de calcul, compte-tenu de l'évolution scientifique, mais aussi compte-tenu des évolutions sociales et technologiques. Et, comment le faire de manière à dépasser les obstacles culturels qui s'opposent à la mise en place de rapports satisfaisants au monde du calcul ? C'est la réflexion sur ces questions que nous souhaitons poursuivre dans la suite de ce rapport. Nous commencerons par y envisager les premiers rapports au monde du calcul qui s'établissent à travers ceux aux notions de nombre, grandeur, mesure et dimension, avant de nous attacher successivement au calcul algébrique, de l'entrée dans la pensée algébrique au collège à la reconstruction du rapport à l'algèbre, en termes de structures, au niveau universitaire, à l'analyse et aux rapports nouveaux qui s'y nouent entre discret et continu, exact et approché et, enfin, à des formes de calcul moins présentes jusqu'ici dans la scolarité, au moins la scolarité générale : calcul statistique, calcul sur des objets relevant des mathématiques discrètes.
Les premiers éléments pour un rapport d'étape sur ce dossier rédigé par Michel Merle s'articule autour de trois questions :
1- Pourquoi introduire une part d'informatique dans l'enseignement des sciences mathématiques et dans la formation des maîtres ?
Une première réflexion sur l'esprit algorithmique, sur le raisonnement formalisé dans un univers défini, sur les notions de calculabilité et d'effectivité, sur le rapport de l'informatique avec les autres sciences amène à la question : quels changements dans les mathématiques ? Voici quelques éléments de réponse à cette question développés par la commission :
- L'ordinateur a permis, par sa puissance de calcul, d'aborder certains objet sous un jour nouveau.
- Le traitement par l'ordinateur pose de nouvelles questions et permet de revisiter certains domaines.
- L'essor des mathématiques discrètes, de la logique appliquée, de l'algorithmique.
Tout cela a changé la vie des mathématiciens.
2- Comment faire évoluer les programmes ?
Un état des lieux amène à une distinction fondamentale :
- L'utilisation des ordinateurs et calculatrices et des logiciels qui y sont implantés.
- L'apprentissage des concepts de base de l'algorithmique et de la programmation.
En se basant sur ce qui a été dégagé à propos de la recherche mathématique et de l'enseignement actuel, la commission a tenté de formuler quelques propositions pour une évolution raisonnée de l'enseignement des sciences mathématiques, qui seront des éléments clés du rapport d'étape.
3- Quels professeurs ?
C'est une question fondamentale à laquelle s'attache tout particulièrement notre commission : les professeurs de mathématiques reçoivent une formation initiale de qualité, mais qui est caractérisée par un grande constante de temps ceci étant dû en grande partie à la nature des sciences mathématiques. La formation continue ne semble pas à la hauteur de la formation initiale. Comment faire évoluer la formation de ces enseignants ?
Des questions de fond reste à débattre dans la commission, comme par exemple : allons-nous vraiment proposer l'introduction d'un enseignement initiatique d'algorithmique et programmation au lycée ?
Le choix retenu pour ce rapport d'étape est qu'il s'adresse prioritairement aux professeurs de mathématiques de l'enseignement secondaire. Il pourrait être complémentaire de celui que l'Académie des Sciences a terminé en juillet 2000 ; ce dernier, dont l'objectif est de procéder à une évaluation prospective de l'activité scientifique et universitaire française, a été construit autour des questions suivantes :
Afin d'élaborer un rapport qui tienne compte de la diversité des points de vue et des pratiques, nous proposons à un certain nombre de personnalités extérieures ou non à la CREM de donner, à titre personnel, des éléments de réponse à certaines des questions ci-dessous, et /ou à d'autres qui leur paraissent pertinentes. Une sous commission de la CREM fera alors une synthèse de ces textes (soumise aux auteurs avant toute diffusion).
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1- Au lycée, quels éléments de statistique et de probabilité pourraient s'insérer naturellement dans le cours de mathématiques ?
2- Pour une première approche de la statistique, où placer l'articulation entre probabilité et statistique ?
3- Quels lieux communs avez-vous rencontrés et quelle est votre position par rapport à leur contenu ?
Exemples
- probabilité = théorie du hasard
- la statistique est l'art du mensonge
- en statistique, on ne fait que de l'asymptotique
- en statistique tout est gaussien
4- Informatique et statistique.
La dichotomie américaine entre "computational statistics " et "mathematical statistics " vous semble-t-elle pertinente ? Comment éclairer ces deux aspects avec de petits exemples ?
5- Quelles sont les résistances ou les obstacles à la compréhension de la statistique et des probabilités ?
Exemples :
- Pour certains, les probabilités sont difficiles à appréhender car elles ne "fournissent que du presque sûr et non du certain" .
- Pour certains le lien entre hasard et causalité, entre prédictibilité et causalité est un obstacle permanent à la compréhension de la statistique.
- On dit qu'un modèle n'est jamais " vrai " et pourtant, on peut souvent lire, à propos des tests d'hypothèse : " si l'hypothèse H0 est vraie, alors ".
6- Quels sont les concepts de base pour une première approche de la statistique, et des probabilités?
7- Un des problèmes de l'enseignement de la statistique et des probabilités est l'équilibre à trouver entre une approche par la pratique et une approche théorique. Quel est votre avis?
8- Eléments de bibliographie Quels sont, parmi les livres (niveau maximum : licence) en probabilité et/ou en statistique, vos livres préférés et pourquoi vous plaisent-ils particulièrement ? De nombreux livres paraissent régulièrement en probabilité et statistique : comment les utilisez-vous ?
9-Quels vous semblent être les éléments de statistique ou de probabilité que rencontrent les enfants avant leur majorité ?
10- Quels sont vos " exemples fétiches " (dont le développement n'excède pas trois pages) ?
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Nous nous proposons, si notre commission continue à vivre, de nous préoccuper de questions transverses à nos différents rapports :
- Le lien avec les autres disciplines ;
- Le lien avec les professions et métiers ;
- Les buts et les moyens de la formation continue ;
- Le moyen d'attirer les jeunes vers les études scientifiques.
Nous envisageons aussi de compléter ce travail par une présentation d'ensemble.
Il nous reste donc beaucoup à faire !
Académie des sciences
Compte-rendu
de la séance du 22 mai 2000
par Béatrice AJCHENBAUM-BOFFETY et Jean-Claude DUPERRET
Guy Ourisson, président de l'Académie, ouvre la séance, bientôt rejoint au bureau, sur sa demande, par Roger Balian, Jean-Pierre Kahane et Yves Meyer, délégués des sections de physique, mathématiques et sciences mécaniques. Il transmet les regrets et les excuses dont lui ont fait part ceux de ses confrères qui ne peuvent être présents, rappelle le thème de la séance (l'enseignement des mathématiques en relation avec les autres disciplines) et présente la commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques (CREM) présidée par Jean-Pierre Kahane.
La matinée, précise Jean-Pierre Kahane, se déroulera en trois temps. Dans la première partie, après un aperçu des réformes en mathématiques et en sciences depuis plus d'un siècle, des collègues non mathématiciens seront interpellés. La deuxième partie abordera les problèmes de l'enseignement des mathématiques en liaison avec les autres disciplines scientifiques. Enfin, seront abordées de façon spécifique les relations entre mathématiques et informatique et enseignement de la statistique.
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o Nicole Hulin
Après une réflexion générale sur l'enseignement secondaire tout au long du XIXe siècle [enseignement non gratuit accessible à moins de 5% des enfants, création d'un enseignement secondaire féminin - en 1880 - différent de son homologue masculin (il ne mène pas au baccalauréat), assimilation de ces deux enseignements en 1924], N.Hulin distingue trois étapes essentielles :
1852 : réforme de la " bifurcation "
En établissant deux filières, l'une littéraire, l'autre scientifique, elle poursuit un double but : réserver aux sciences une place plus importante; constituer un enseignement plus approprié aux besoins de la société productive. Cet enseignement, marqué par une conception utilitaire, fera l'objet d'un bilan négatif de cette réforme, tant pour les mathématiques que pour la physique. Le ministère Duruy opère un changement de cap en supprimant la bifurcation (1864), en réorganisant l'enseignement classique et en instituant parallèlement un enseignement secondaire professionnel (1863) qui devient l'enseignement secondaire spécial (1865) avant de constituer l'enseignement secondaire moderne (1891). Dans l'enseignement classique, Victor Duruy veut un enseignement des sciences organisé suivant un " ordre logique ", plaçant " les mathématiques à la base et les sciences physiques au sommet ", et marqué par la rigueur.
1902 : une grande réforme unifie et restructure l'enseignement secondaire en deux cycles ( le premier cycle, jusqu'à la troisième, comporte deux filières dont une sans latin; le second cycle, à partir de la seconde, comprend quatre sections, deux à orientation littéraire, deux à orientation scientifique dont la section moderne). La réforme, qui accroît notablement la place des sciences dans l'enseignement, vise à former l'homme et le citoyen et à enseigner des " humanités scientifiques ". Le souci de souligner l'unité de la science se traduit dans les programmes, dont la surcharge est bientôt dénoncée, comme est déploré le " désarmement scientifique " des sections littéraires. Le régime de l'égalité scientifique est établi en 1925, puis aboli en 1941 où l'on revient à un régime voisin de celui de 1902, qui laisse une empreinte durable jusqu'aux années 70.
1960-1970 : la réforme des mathématiques modernes et la réforme Lagarrigue.
Au décalage dans le temps entre l'enseignement des mathématiques et les besoins de l'enseignant de physique, ces réformes ajoutent le décalage entre les " mathématiques modernes enseignées " et les " mathématiques applicables " utilisées dans l'enseignement de la physique. Les travaux du groupe créé pour étudier les relations entre les deux enseignements débouche, en 1972, sur des recommandations comparables à celles de 1902 (recours à la représentation graphique, par exemple).
o Hélène Gispert
A la suite de la remise en cause de la " bifurcation " dans les années 1860, rapidement retracée par N. Hulin, deux filières secondaires (scolarisant au total 5% d'une classe d'âge) sont instituées : l'enseignement classique (filière d'excellence, dispensant une formation exempte de tout utilitarisme); l'enseignement secondaire spécial, qui " prépare, lui, des industriels, des négociants et des agriculteurs " (V. Duruy), et doit délivrer des connaissances immédiatement utiles : l'enseignement des mathématiques est lié avant tout aux domaines du commerce, des arts et de l'industrie; il est sans rapport avec l'enseignement de la mécanique et de la physique, destiné à satisfaire les besoins de l'industrie locale.
En raison de son succès et de sa réussite, cet enseignement est progressivement promu au " rang auquel il a droit " : les programmes de mathématiques, refondus, ne mentionnent presque plus les applications.
Un enseignement essentiellement tournée vers les connaissances utiles et les applications pratiques demeure cependant jusqu'après la seconde guerre mondiale : l'enseignement primaire supérieur. Créé par Guizot en 1833, gratuit, il fait suite au primaire élémentaire pour une minorité d'enfants du peuple. L'enseignement mathématique doit y être " à la fois utilitaire et éducatif " (Carlo Bourlet).
Lors de la réforme de 1902, certains mathématiciens défendront l'idée que, dans le secondaire également, un enseignement théorique ne sera que mieux compris s'il est accompagné d'exercices pratiques.
Ce souci des applications, des liens des mathématiques aux autres disciplines, se retrouve chez les promoteurs de la réforme des mathématiques modernes. Et c'est notamment au nom des exigences de l'industrie et de l'économie que l'OCDE lance une réflexion internationale sur la réforme de l'enseignement des mathématiques à la fin des années 1950).
Toutefois, l'idée même d'applications reste ambiguë à cette période: c'est parce qu'elles sont infiniment " plus riches d'applications " que les mathématiques dites classiques que la commission Lichnérowicz privilégie les mathématiques contemporaines. Concrétisée dans les programmes d'enseignement, cette orientation provoque la réaction des physiciens et des chimistes contre ces mathématiques trop abstraites.
Cette histoire de deux siècles montre que l'enseignement des mathématiques et ses relations avec les autres discipline ont varié selon les divers types de formation. Ils ont ainsi été diversement confrontés aux tensions provoquées par les besoins de la science et de la société, entre enseignement de culture et enseignement utile, enseignement théorique et enseignement pratique.
o Michel Thellier présente le point de vue du biologiste.
Contrairement à C. Allègre, M. Thellier considère les mathématiques indispensables en biologie :
1) pour exploiter des résultats expérimentaux, la statistique est indispensable. on cherche une bonne forme de représentation, on modélise en cherchant un modèle théorique à ajuster. Certes, on utilise également des mathématiques plus triviales (développements limités, équations différentielles linéaires). Une véritable culture mathématique n'est pourtant pas inutile pour utiliser correctement les outils, ce qui n'est pas toujours le cas.
2) Parallèlement se développe un aspect de la biologie exigeant des approches mathématiques moins triviales (biologie moléculaire). Les systèmes vivants sont par nature des systèmes dynamiques; ils font appel à un ensemble de processus où des interactions positives et négatives se mettent en place, avec un fonctionnement en réseau très compliqué.
3) Dans les systèmes vivants, chaque compartiment est si petit que des notions comme la concentration peuvent ne plus avoir un sens très clair. Une approche comme la théorie des automates pourrait être mieux adaptée pour traiter ces problèmes.
Ces réflexions ont évidemment des implications concernant l'enseignement des mathématiques : à l'issue de leur scolarité secondaire, les jeunes doivent avoir une culture mathématique de base. Une double compétence est ensuite nécessaire pour aborder les problèmes complexes de la biologie intégrée.
o Pierre Buser
L'orateur précise l'objet de son travail et de son enseignement : le système nerveux central. Une formation générale de mathématiques générale est insuffisante pour aborder des aspects suivants :
1) Le fonctionnement du système nerveux : des échanges ioniques se produisent au niveau de la membrane, devant faire l'objet d'évaluations quantitatives très sophistiquées.
2) Jonction entre les neurones (synapses) : la libération de quanta de médiateurs au niveau de la synapse implique des calculs complexes.
3) Système nerveux commun : pour étudier la cybernétique du centre nerveux, on utilise la théorie des systèmes en boucle fermée.
4) Les études récentes (état d'excitation d'un neurone à l'instant " t ") font appel à des probabilités conditionnelles.
5) Les activités rythmiques analogiques dans les centres nerveux rendent nécessaire une analyse quantitative des signaux analogiques. Le renfort des mathématiciens est nécessaire pour analyser les signaux bioélectriques : on utilise la décomposition en série de Fourier (transformation rapide de Fourier) et des méthodes non linéaires (chaos, attracteurs ).
6) Les modèles formels de neurones.
En conclusion, on a besoin d'étudiants conceptuellement formés à ces opérations mentales que seules donnent les mathématiques.
o Jean Treiner
Président du GTD de Physique, J. Treiner propose tout d'abord cinq axes de réflexion sur les relations entre les mathématiques et la physique :
- La déraisonnable efficacité des mathématiques dans les sciences de la nature (Wigner).
- Qui enseigne les mathématiques et la physique ? Dans beaucoup de pays, la physique est couplée avec les mathématiques, la chimie avec la biologie. Et les mathématiques ont tendance à se voir ravaler au rang d'outils quand il est question de leurs relations avec les autres sciences.
- Or, s'agissant de la physique, les mathématiques ne sont pas un outil : elles sont constitutives de cette discipline.
- La démonstration, en mathématique, possède une valeur propre, une dimension propre, indépendamment de son importance pratique.
- La question "à quoi ça sert ?", souvent posée à propos des mathématiques, témoigne de la défiance de l'élève par rapport au cadre dans lequel il se trouve. Manifestement, cette confiance n'est pas acquise à différents niveaux ; ceci pose plus profondément la question du sens, et signale qu'une réflexion pédagogique est peut-être nécessaire.
Trois exemples illustrent la différence entre formalisation et manipulation mathématique : pour une même observation, on peut obtenir deux résultats différents selon les hypothèses de départ; à l'évidence, les mathématiques ne sont donc pas un outil : le passage du langage naturel à la formalisation doit être travaillé à tous les niveaux.
- Le premier porte sur la mesure de la longueur du rayon de la Terre par Eratosthène et pose le problème suivant : quid si on prend l'hypothèse que la Terre est plate ?
- Le deuxième concerne l'optimisation, par quelqu'un qui est sur la plage, du parcours qu'il doit effectuer pour aller sauver une personne qui se noie en mer.
- Troisième observation : les équations contiennent plus à l'arrivée que ce qu'on a mis pour les établir.
Des éléments de mathématiques s'avèrent indispensables à l'enseignement de la physique en lycée :
- En seconde : puissances de 10, géométrie, fonctions.
- En première : dérivée .
- En terminale : déterminisme, équations différentielles, méthode d'Euler.
o René Moreau
Ancien directeur d'une des ENSI de l'Institut Polytechnique de Grenoble, R. Moreau aborde le problème de la place des mathématiques dans la formation des ingénieurs, soulignant que contrairement à certaine grandes écoles, les ingénieurs sortis d'une ENSI font en général toute leur carrière dans le technique. La question posée, note-t-il, est récurrente dans les discussions entre directeurs et donne lieu à des points de vue dont la fréquente divergence tient à la différence de formation des locuteurs.
Il s'avère ainsi impossible de déterminer, entre les besoins des chimistes, des mécaniciens, des électrotechniciens, un tronc commun en mathématiques.
Certains enseignants de ces écoles estiment que les étudiants savent bien assez de mathématiques en sortant de classes préparatoires; d'autres souhaiteraient les renforcer (variable complexe, éléments finis, systèmes dynamiques ); d'autres enfin renverraient les élèves en troisième année pour préparer un DEA.
Pour améliorer l'enseignement des mathématiques, R. Moreau propose de remonter le cursus, tout d'abord en développant certains outils, notions et méthodes en classes préparatoires, puis au lycée : les notions de dérivée, de limite et de convergence doivent être abordées plus tôt.
Enfin, la seconde indifférenciée, dont le niveau est insuffisant, constitue un obstacle à une progression plus rapide en première et terminale.
o Roger Balian évoque tout d'abord son expérience personnelle d'élève passé par le Collège d'enseignement technique : dans cette école des enfants du peuple, en dépit du caractère utilitaire de l'enseignement, il a trouvé la culture et la motivation qui lui ont permis de continuer ses études.
La spécificité d'un enseignement qui sépare, sans doute, des disciplines destinées à être associées, constitue pourtant une chance pour la France. Il faut cependant créer et développer une synergie entre les disciplines, qui fait désespérément défaut; des coopérations entre enseignants pourraient, par exemple, remédier à cette situation.
o Gérard Debeaumarché, président de l'UPS, présente des observations sur l'évolution des taupes.
Trois défis ont marqué ces dernières années :
- la réforme des mathématiques des années 1970, qui a produit un enseignement plus rigoureux, mais a fragilisé la géométrie et l'analyse vectorielle ;
- la massification de l'enseignement, qui a conduit à doubler les effectifs des classes préparatoires, et à fragiliser certaines parties du programme;
- la réforme des lycées, dans les années 1995, caractérisée par une réduction drastique du nombre d'heures d'enseignement des mathématiques en terminale (passé de 9h hebdomadaires en TC à 6 h -+ 2 h en option - en TS), ce qui a évidemment provoqué des difficultés - de raisonnement, de rédaction... - chez les étudiants.
Les classes préparatoires ont elles-mêmes été réformées en 1995, les filières étant séparées dès la première année. Cela s'est accompagné d'une baisse de l'horaire en mathématiques dans la plupart des sections, et le paysage a considérablement changé.
G. Debeaumarché présente ensuite les grandes lignes des programmes de mathématiques des classes préparatoires et relève les aspects positifs et négatifs de leur enseignement:
- nombres et polynômes;
- algèbre linéaire;
- analyse à 1 variable;
- éléments de géométrie;
- analyse à plusieurs variables.
Aspects positifs :
- les trois premiers points des programmes mentionnés ci-dessus;
- le rapport avec la physique (séries de Fourier...);
- valorisation du raisonnement algorithmique, formation des étudiants à des logiciels de calcul formel (Mapple ou Mathematica).
Aspects négatifs :
- la géométrie est insuffisamment exploitée, et suscite des réserves chez les étudiants (méconnaissance de la recherche de lieux géométriques, des coniques ); le statut peu clair de cette géométrie conduit à se réfugier dans l'analytique; la place de la géométrie différentielle a beaucoup reculé, de même que
- l'analyse à plusieurs variables, que les mathématiciens abandonnent d'autant plus volontiers aux physiciens - qui en parlent de leur côté - qu'il s'agit d'un exercice difficile pour les étudiants; les intégrales multiples et curvilignes ne sont quasiment pas traitées.
- les probabilités et statistiques n'apparaissent pas (sauf dans les filières biologie); leur introduction doit être examinée.
o Catherine Dufossé, présidente de l'Association des professeurs de mathématiques, renonce à son intervention, faute de temps.
o Gustave Choquet
G. Choquet rappelle un principe essentiel. Ce principe, oublié de tous - même des didacticiens ! - explique pourtant l'échec du mouvement des mathématiques modernes, qui a oublié l'expérimentation. Il éclaire en revanche le succès de plusieurs mouvements pédagogiques (tel La main à la pâte). Ce principe est simple: il faut tenir compte à n'importe quel niveau de l'esprit intuitif des élèves, de leur acquis sensoriel. Cela signifie s'appuyer sur leur connaissance intuitive du monde qui les entoure, sur une géométrisation des concepts, et sur l'utilisation du bon sens (élaboré).
G. Choquet illustre son propos avec quelques exemples :
- l'illustration graphique de résolution de systèmes de deux équations du premier degré à deux inconnues fait clairement apparaître les trois cas;
- l'étude d'une famille de paraboles dépendant d'un paramètre va dans le même sens;
- au lieu de définir l'intégrale à partir de la notion de primitive (admise), il faut revenir à sa définition par l'aire, beaucoup plus parlante;
- il faut développer la géométrie élémentaire, qui a la vertu d'apprendre à chercher, et ainsi de délier l'esprit.
Trois remarques en conclusion :
- on sous-nourrit les élèves actuellement; on les prend pour des "débiles";
- le tableau et la craie doivent continuer à être des outils fondamentaux, l'enseignement des concepts géométriques peut ainsi bénéficier d'une grande souplesse;
- il faut des preuves, et non des recettes, et le travail personnel de l'élève doit être absolument encouragé.
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o Jean-Pierre Kahane, pour tenir l'ensemble de la séance dans les temps, souhaite que la discussion ne s'ouvre qu'après la troisième partie, qu'il propose d'engager sans plus tarder.
o Gilles Kahn
Directeur scientifique de l'INRIA, G. Kahn organise en cinq points son intervention sur les mathématiques dans l'enseignement secondaire tels qu'elles apparaissent à travers l'informatique.
1) Informatique et mathématique font plutôt bon ménage. Aujourd'hui, plusieurs aspects des mathématiques se voient revivifiés par les besoins de l'informatique, ou encouragés à se développer dans de nouvelles directions (les mathématiques combinatoires par exemple). Les informaticiens ne peuvent donc que souhaiter que les mathématiques soient enseignées dans l'enseignement secondaire comme une discipline vivante, qui a à voir avec le monde réel et s'illustre avec des problèmes concrets non réductibles avec ceux que les sciences physiques font émerger.
2) L'idée d'algorithme, très ancienne en mathématiques, est évidemment centrale en informatique. On peut se demander si elle n'a pas une place trop épisodique, peu claire, marginale dans l'enseignement des mathématiques.
3) Plus généralement, la tendance consistant à diminuer l'importance des démonstrations paraît regrettable. L'expérience du raisonnement rigoureux, des plus utiles dans le monde de l'informatique, et l'esthétique du raisonnement sont les clés d'une construction robuste et économe de moyens.
4) En particulier, il est important de traiter systématiquement du raisonnement par récurrence, en l'illustrant de multiples exemples. Il est fondamental et pour l'idée d'itération et pour l'idée de récursion.
5) Enfin, le formalisme utilisé par les élèves du secondaire n'est pas toujours très solide. L'idée d'énoncé formel est trop absente. Les élèves n'ont aucune expérience de traduction en formules logiques de simples énoncés mathématiques.
o Edmond Malinvaud propose une réflexion sur l'enseignement de la statistique en quelques points clés :
- Les professeurs de mathématiques ont une vocation évidente à prendre en charge la formation au mode de raisonnement statistique (aléatoire, variabilité, induction à partir de données nombreuses).
- Ce raisonnement est aujourd'hui à la fois universellement pratiqué et mal pratiqué, voire malmené et ce, dans tous les domaines, de la formation des ingénieurs à la recherche.
- Qui doit assurer cet enseignement ? Tous les professeurs dans leur domaine (biologie, sciences économiques et sociales ) mais, dans son aspect le plus général, les professeurs de mathématiques, dont c'est le rôle par excellence.
o Catherine Dufossé, présidente de l'APMEP, souhaite réagir à l'intervention de G.Choquet.
L'enseignement des mathématiques a beaucoup évolué ces dernières décennies sous la pression d'un public beaucoup plus large. Le recours au graphique pour donner du sens au calcul est aujourd'hui une pratique très générale.
L'un des obstacles fondamentaux à la relation entre mathématiques et physique tient justement à la formation des professeurs de mathématiques anciennement : ils ont appris des mathématiques immaculées, puis enseigné des mathématiques désincarnées. Des mathématiques sur le sens desquelles nous avons donc été conduits à nous interroger, notamment à travers l'histoire et la philosophie des sciences, qui éclairent la genèse des concepts, et montrent à quel point les mathématiques sont mêlées à l'histoire des hommes.
Quel sens pouvait en effet avoir la notion de relation d'équivalence chez un enfant de 12 ans ? Ce n'est que beaucoup plus tard qu'on acquiert la capacité de modéliser un critère de classement et d'en comprendre le sens.
Les relations mathématiques-sciences expérimentales ne sont pas bonnes, hormis dans les lycées professionnels où les enseignants sont bivalents "math-sciences". Ailleurs se posent différents problèmes :
- celui du lieu de rencontre (pour les " matheux ", c'est la salle des professeurs, pour les " physiciens ", c'est le laboratoire);
- certains professeurs de mathématiques craignent que ces relations ne se développent au désavantage de leur discipline, les mathématiques devenant un catalogue au service des autres disciplines;
- les références à la physique dans les programmes ne sont pas assez précises pour être opérationnelles, et relèvent du bon vouloir individuel;
- les concepts ne sont pas utilisés à l'identique : les physiciens, par exemple, se servent de la dérivée symétrique pour définir la vitesse instantanée.
Les mathématiques ont tout à gagner des sciences expérimentales, même si les professeurs de mathématiques sont très réticents. Il faut décloisonner nos disciplines; sinon, on prive les mathématiques d'un appui et d'une raison de vivre importante. Les travaux personnels encadrés peuvent être un moyen de réaliser cette coopération, et sont par là source de grand espoir.
o Jean-Pierre Demailly dresse un certain nombre de constats :
- L'enseignement des mathématiques ne se porte pas bien, et cette situation a des effets dans toutes les sciences.
- A l'Université, en 1ère année, les étudiants ne sont pas préparés au raisonnement; leur vision des mathématiques est stéréotypée : ils sont capables de recettes, mais n'ont aucune vision profonde.
- Depuis une vingtaine d'années, la situation a évolué de façon défavorable; même à l'agrégation, seule une faible partie des sujets est traitée à l'écrit.
Ces observations montrent qu'il y a un énorme décalage entre les prétentions du système et la réalité. Ce phénomène s'est manifesté également aux Etats Unis, en Allemagne, qui s'efforcent d'en compenser certaines conséquences par l'immigration (asiatique notamment).
Comment expliquer cet état de fait ?
- Les politiques n'ont pas suffisamment pris conscience de la nécessité d'un enseignement scientifique. Il faut retravailler l'image que les sciences doivent offrir à la société.
- D'autres causes sont d'ordre structurel : aux réformes successives s'est ajoutée la réduction de la diversification des filières, en particulier en sciences. On ne peut évidemment pas demander aux étudiants d'être bons dans toutes les disciplines (biologie, physique, mathématiques...); or, les filières permettaient de répondre à des goûts et à des objectifs professionnels différents. Il faut donc revenir à une diversification de l'enseignement scientifique.
- En amont, c'est tout le cursus de mathématiques depuis l'école élémentaire qu'il faut revoir. Les 4 opérations, par exemple, glissent vers le dernières années de l'école élémentaire, voire la 6ème.
- Il faut revenir à un enseignement des choses fondamentales qui engagent la compréhension des élèves, avant d'enseigner le superflu. Par exemple, les informaticiens ont besoin des concepts fondamentaux des mathématiques.
- Les manuels souffrent des mêmes défauts: il faudrait peut-être moins de couleurs, mais davantage d'essentiel.
o Yves Meyer revient sur certains points abordés lors des interventions précédentes :
- La géométrie (qu'il a enseigné à l'"ancienne mode") peut également constituer un obstacle; pour résoudre un problème, il faut trouver l'outil optimal, et les nombres complexes peuvent en être un.
- La réforme des mathématiques modernes : elle l'a passionné, indique-t-il; elle n'a pas entraîné une baisse dans la recherche en mathématiques, mais a suscité débats et réflexion.
- La recherche du sens : Y. Meyer souligne la pertinence de la question qu'a soulevée Mme Dufossé, une question qui se pose dans toute activité humaine; il observe qu'elle se résout davantage par des expériences personnelles que par des techniques d'enseignement.
- La question des rapports entre des mathématiques impliquées dans l'aventure collective de la connaissance et des mathématiques retranchées se pose également dans d'autres domaines (la littérature par exemple); elle rencontre l'éternel débat entre culture et utilité, opposant l'activité exercée "pour l'honneur de l'esprit humain " (Jacobi) à celle que l'on entreprend "pour résoudre les problèmes que nous pose le monde " (Fourier).
o Daniel Perrin
D. Perrin, responsable du groupe "géométrie" dans la commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques (CREM) et auteur du rapport d'étape sur ce thème, réagit aux interventions de Gustave Choquet et de Yves Meyer.
- De temps en temps, les mathématiques font, en effet, des cadeaux, et la géométrisation est une source de sens (ex : les coniques).
- Le système scolaire ne s'adresse pas qu'aux futurs mathématiciens; il faut donc à la fois du culturel et de l'utilitaire.
Revenant au rapport d'étape qu'il a rédigé pour la CREM, D. Perrin soulève deux questions essentielles :
- faut-il enseigner la géométrie en 2000 ? "Oui", a répondu la commission à l'unanimité, à la fois pour ses applications (la place de l'image aujourd'hui en appelle de nouvelles) et parce qu'elle permet d'apprendre le raisonnement.
- Comment l'enseigner ? On ne peut pas ne pas revenir sur l'enseignement des "mathématiques modernes", période catastrophique qui a porté un grave préjudice à la géométrie, par exemple en jetant la suspicion sur la notion d'aire.
D. Perrin présente les grandes lignes des propositions de la CREM. Il faut :
- renforcer l'enseignement de la géométrie (en particulier dans l'espace), et privilégier son volet raisonnement (chercher fait partie de la formation du futur citoyen) plutôt que son volet démonstration.
- réhabiliter certaines "techniques anciennes" (par exemple les aires, les cas d'égalité des triangles );
- réintroduire au lycée une géométrie plus riche, comportant par exemple l'inversion.
o Michèle Artigue
Responsable du groupe " calcul " dans la CREM, M. Artigue se propose se réfléchir sur ce qu'est le calcul aujourd'hui, sur les besoins auxquels doit répondre l'enseignement des mathématiques dans ce domaine , puis sur ce qui, dans la durée, doit satisfaire ces besoins.
Elle souligne la convergence des vues exprimées à l'Académie des Sciences et celles de la CREM dans ces domaines :
- Les rapports au calcul sont très divers selon les disciplines (du calcul de base aux outils plus complexes); devant des besoins qui apparaissent également divers, les réponses ne sauraient être unifiées, notamment à l'Université.
- Rapport entre le calcul et le raisonnement (exemple : algorithmes (construction, validation, coût, ) : le lien doit être vivant de la maternelle à l'Université.
- On rencontre très tôt les fonctions de plusieurs variables : il faut donc les faire vivre, en acceptant une moindre exigence de rigueur.
M. Artigue expose son point de vue sur deux idées qui ont émergé lors des interventions précédentes :
- Rôle de l'intuition: les enseignants essaient de s'appuyer sur elle, mais les potentialités et les limites de l'intuition mathématiques - et celles des élèves - question centrale - constituent également une question complexe.
- En réponse à J.P Demailly : - comment apparaît le sens ? le fondamental n'est pas seul à conduire au sens ; le superflu peut y aider; - à travers les évolutions sociales et culturelles, les publics ont changé.
o Michel Merle
Responsable du groupe " mathématiques et informatique " pour la CREM, M. Merle fait tout d'abord référence au communiqué 5 de cette commission qui souligne le lien privilégié qui unit les mathématiques et l'informatique, en particulier en raison d'une histoire commune.
Il présente ensuite quelques pistes de réflexion :
- Comment apprécier l'influence de l'informatique sur l'évolution des mathématiques ? A tout ce qu'a déjà relevé G. Kahn, on peut ajouter le considérable domaine que constituent la simulation et la calculabilité, source de questions et de problèmes pour la recherche mathématique.
- Comment apprécier l'évolution de l'enseignement des mathématiques depuis l'apparition des ordinateurs (utilisation des calculatrices, calcul formel) ? Bien que l'utilisation de ce machines se soit fortement développée, et faute peut-être d'instructions claires dans les programmes, la pratique occulte les concepts fondamentaux de l'informatique (boucles, branchements, récursivité), qu'il faut pourtant absolument enseigner en lycée si l'on veut voir se développer une utilisation maîtrisée de l'informatique.
- La question des algorithmes est une question centrale, car ils produisent un résultat et exigent d'être très attentifs à la structure des données.
En conclusion, l'apprentissage raisonné de la programmation, et l'insistance sur les algorithmes, sont de nature à aider à mettre en place un enseignement des mathématiques rénové.
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o Y. Meyer ouvre la discussion.
o Roger Cayrel, physicien, fait plusieurs remarques :
- Après les "mathématiques modernes", le balancier est reparti très loin dans l'autre sens.
- Le premier rôle des mathématiques est la formation de l'esprit: "Les mathématiques sont la partie quantitative de la philosophie."
- Les mathématiques sont la seule science exacte, et elles doivent le rester : elles sont l'enseignement même de la rigueur).
- A titre d'exemple, l'équation du second degré propose une double problématique à l'élève :
- existence des solutions dans le domaine qu'il connaît;
- endroit pour introduire les réels (exemple : x2 = 2).
o Yves Meyer souhaite revenir sur le rôle et la place des statistiques, en soulignant les dérives que son enseignement a suscitées dans les médias.
o Jean-Pierre Kahane, en réponse à Y. Meyer, précise le rôle important joué par Claudine Robert dans ce dossier, tant comme présidente du GTD de mathématiques que comme responsable du groupe "Statistique" dans la CREM. Elle est responsable du rapport d'étape que la commission produira sur ce thème d'ici la fin de l'année.
Après avoir lancé un appel à la réflexion (comme celle qu'a déjà proposée Edmond Malinvaud), J.P Kahane précise comment il conçoit les rapports entre l'Académie des Sciences et la CREM : plutôt qu'une interaction, la CREM attend de l'Académie des Sciences qu'elle nourrisse sa réflexion.
o Roger Balian insiste sur l'importance de la statistique dans la formation du citoyen.
o Catherine Dufossé précise que l'APMEP est tout à fait favorable à un enseignement plus soutenu de la statistique dans les lycées, en raison de leur rôle interdisciplinaire et formateur. Lorsque les professeurs du secondaire disent que les statistiques ne sont pas formatrices, il faut comprendre seulement qu'ils déclarent ne pas savoir former les esprits à travers l'enseignement des statistiques. La réponse à cette inquiétude est une véritable formation des enseignants de mathématiques dans ce domaine.
o Charles-Michel Marle fait trois observations :
- Les programmes de mathématiques sont importants, mais l'esprit dans lequel on les enseigne est tout aussi important, sinon plus.
- Les mathématiques sont une des manières de voir le monde, et il faut faire passer ce message auprès des élèves.
- Le système éducatif devrait être un système à boucle et à interaction. Dans le supérieur, l'enseignement dispensé aux étudiants sépare beaucoup trop les mathématiques, d'un côté, de la physique, de l'autre. Il faut modifier cet enseignement.
o Que faire pour développer l'enseignement d'une discipline (la statistique) qui a pris naissance en France ? s'interroge Paul Malliavin , qui rappelle qu'en Allemagne, un billet est dédié à Gauss (probabiliste), et remarque qu'on pourrait envisager des universités d'été pour la formation des enseignants du secondaire.
o Les mathématiques sont une science, mais la pédagogie est un art, remarque Pierre Lelong.
o Nicole Berline, enseignante à Polytechnique, relève que le nombre des étudiantes à Polytechnique a augmenté dans les sections de physique et de chimie; ce qui n'est, en revanche, pas le cas en mathématiques. A notre époque, la question de ces choix et de cette répartition pose véritablement problème.
o Jean-Pierre Kahane, invité à conclure cette séance, souligne qu'un tel "kaléidoscope" ne se conclut pas, mais se prolonge.
o Yves Meyer, remplaçant Guy Ourisson contraint de quitter la réunion avant son terme, clôt la séance.
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