Empilements de sphères


Renaud Coulangeon
Laboratoire A2X - Université Bordeaux I
Talence (33)
Bordeaux, mars 2003

 

Le contexte historique

En 1900, lors du congrès international des mathématiciens à Paris, Hilbert propose sa fameuse liste de 23 problèmes, dont certains sont encore aujourd'hui non résolus. Le 18e  de ces problèmes peut-être reformulé, du moins partiellement, de la façon suivante :

 

  Est-il vrai que la meilleure façon d'empiler les oranges est l'empilement "pyramidal" (ou en "boulets de canons") adopté par la plupart des épiciers ?

 

Il s'agit en fait d'une question bien antérieure à Hilbert, désignée généralement sous le nom de "conjecture de Kepler" (elle se trouve formulée explicitement dans un essai, paru en 1611, consacré à la cristallographie).

Si, comme l'estimait Hilbert lui-même, un critère essentiel pour apprécier la "perfection" d'un problème mathématique est la possibilité de l'énoncer en des termes compréhensibles par l'homme de la rue, ce 18ème problème n'est pas loin d'être parfait. Mais l'homme de la rue serait sans doute surpris d'apprendre qu'une solution complète et satisfaisante à cette énigme vieille de presque 400 ans n'a été proposée que très récemment, par Thomas Hales en 1998 !

 

Quelques mots de la conférence

Après un survol des résultats connus concernant ce problème et ses généralisations, R. Coulangeon a présenté ses connections avec d'autres champs des mathématiques (arithmétique, théorie des groupes, formes modulaires). Il a également évoqué les interactions de ce sujet avec la théorie des codes, la théorie de l'information et la cryptographie.

En fait, ce problème posé en dimension 3 peut se formuler en dimension n : un empilement est la réunion d'un ensemble de sphères de même rayon et d'intérieurs disjoints dans un espace euclidien de dimension n. On cherche les empilements les plus denses. Il faut donc définir la densité d'un empilement E, notée D(E) : c'est la limite sup. sur les boules B de rayon r et de centre p du quotient volume de E Ç B sur volume de B.

En dimension 2, le problème se ramène à l'empilement de disques ; il a été démontré en 1910 que c'est l'empilement hexagonal qui est le plus dense.

En dimension 3, le problème se ramène à un problème d'optimisation qui, une fois réduit à un nombre fini de variables (environ 70), a pu être résolu grâce à l'ordinateur en 1998, un peu comme ce fut le cas du théorème des quatre couleurs.

Cette méthode ne peut pas s'appliquer pour n > 3 ; en revanche, on peut estimer D n , qui est le maximum sur tous les empilements de Rn des D(E) ; le théorème de Minkowsky - Hlawka en donne une borne inf. qui est 2 - n et en 1958, Rogers en donne une borne sup.

Les chercheurs se sont intéressés à une version un peu simplifiée du problème en considérant des empilements réguliers, c'est à dire tels que les centres des sphères soient des points à coordonnées entières dans un repère de centre un des centres des sphères ; on parle alors de réseau. Il y a des résultats pour n < 9.

Il est intéressant de constater l'interactivité de ce problème avec d'autres champs de recherche mathématique, en particulier l'utilisation de la théorie des réseaux, et plus particulièrement des réseaux parfaits, que l'on retrouve dans les problèmes de transmission de signal et dans la théorie des codes.