Résolutions calculatoires |
Équipe académique mathématiques Bordeaux, le 5 décembre 1999 |
1. Les Egyptiens
Leur algèbre est élémentaire. Ils appelaient parfois linconnue " aha ". Leurs recherches ne pouvaient être que laborieuses, car ils ne disposaient pas du concept général de fraction.
Petit problème égyptien
Une quantité et son 1/7 font 24.
Les Égyptiens ne disposent pas du concept général de fraction. Ils
utilisent donc une méthode de fausse position :
Supposons que cette quantité soit 7, alors le résultat serait 7 + 1/7. 7 = 8.
Or le résultat est le triple de 8 ; cest donc que la quantité de départ
est le triple de 7, soit 21, qui est la solution.
Ce qui, en tableau, pourrait se présenter ainsi :
Quantité | 7 | ??? |
Quantité + septième | 8 | 24 |
opérateur |
---- x3 ----> |
Petit problème égyptien plus compliqué
Systèmes 2 x 2 ; suites arithmétiques
100 pains pour 5 hommes. Le septième de la somme des trois grosses parts est égal à la somme des deux plus petites parts. Quelle est la différence [constante] entre les parts ? |
Problème n° 40 du Papyrus Rhind, 1650 AV
J.C. Références : Pichot, pages 233/234 ou Dedron-Itard page 303 |
1. Formalisation moderne du problème (niveau collège)
Il faut comprendre que les parts forment une suite arithmétique.
Soit donc p la première part, et d la différence entre une part et la suivante (la raison de la suite), les différentes parts sont : p, p + r, p + 2r, p + 3r, p + 4r
On aboutit donc au système :
que lon résout aisément.
2. Solution Égyptienne
La chose comme elle se produit. [Suppose que] la différence des parts est 5 1/2:
1 |
6 1/2 |
12 |
17 1/2 |
23 |
total 60 |
Il faut multiplier 60 par 1 2/3 pour obtenir 100 (calcul annexe).
Multiplie par 1 2/3 :
1 devient 1 2/3
6 1/2 devient 10 2/3 1/6
12 devient 20
17 1/2 devient 29 1/6
23 devient 38 1/3
[ Sous-entendu : avec une différence constante de 9 1/6]
3. Analyse moderne de la solution égyptienne
Cest évidemment une méthode de fausse position, en labsence de notations littérales.Le premier calcul, qui aboutit à la raison 5 1/2 pour une première part de 1, nest pas expliqué par le texte.
Toute la méthode repose sur le fait que la seconde condition (la seconde équation du système) est linéaire, sans second membre. Donc, si (p, r) en est solution, il en ira de même de (k.p , k.r ). Le scribe cherche donc la raison r telle que (1, r) vérifie la seconde condition. Il trouve r = 5 1/2, mais nexplique pas sa démarche. Il multiplie ces deux nombres par k pour ajuster la première condition, affine : alors le couple (k.1, k.r) sera solution du système.
Dans le même style
Dix frères se sont partagés une mine deux-tiers
dargent. Chaque frère sest élevé au-dessus de lautre.
[toujours de la même quantité dargent] De combien, je ne sais. La
part du huitième est de 6 sicles. De combien un frère sest-il élevé
au-dessus de lautre ? [une mine fait 60 sicles ] |
Références : Pichot, pages 90/91 ou Dedron-Itard page 304 STR 362, 1ère dynastie babylonienne. |
Les Babyloniens, y compris ceux de la dynastie dHammourabi, vers 1800-1600 avant Jésus-Christ, étaient de grands algébristes. Daprès Otto Neugebauer, " On a affaire à un niveau de développement remarquable, comparable, par de nombreux aspects, à celui du début de la Renaissance " . Lalgèbre babylonienne repose sur la puissance de leur système sexagésimal.
Une petite tablette dargile babylonienne, reproduite dans
louvrage cité de Neugebauer, représente un carré, 30 pour le côté, et
pour la diagonale, en sexagésimal : 42, 25, 35 .
Elle founit aussi leur quotient 1 ; 24, 51, 10, soit, en décimal 1,414
212 963, au lieu denviron 1,414 213 562, ce qui donne une erreur denviron
6. 10-7.
Pas si mal !
Les Babyloniens étaient experts dans les problèmes de degré 2. Daprès Neugebauer, ils ont inspiré tout laspect " algébrique " dEuclide et de Diophante.
Ils se ramenaient en général à la forme normale du degré 2, à savoir
quils traitaient de la façon suivante (attention : uniquement sur des
exemples individuels numériques):
Posons :
,
puis x = m + d, y = m - d.
Le système devient alors : m2 - d2 = p ; doù : d2 = p + m2 ; doù la valeur de d grâce aux tables de racines carrées ou de carrés ; doù x et y.
Mais les Babyloniens sintéressaient aussi aux puissances successives dun nombre donné, aux intérêts composés, à certaines équations exponentielles de la forme ax = b.
On a trouvé chez eux léquivalent des formules suivantes :
Daprès Neugebauer, la seule limite à la virtuosité technique des Babyloniens était dans leur manque de notations algébriques générales ; de plus, on ne pourrait pas dire quils ont fondé une science mathématique abstraite, car leur calcul nutilise ni la déduction, ni le concept général . Par exemple, ils ne se posent pas la question du statut du nombre, ni, par exemple, celui de lirrationnalité de .