PYTHAGORE (autour de 550 av. J. C. )


Équipe académique Mathématiques
Christian Drouin, Bordeaux, le 4 avril 2001

 

Mathématiciens de la page d'accueil

precedent mathématiciens suivant

Nous connaissons et admirons Euclide sans avoir presqu'aucun renseignement sur l'homme, mais en disposant de son œuvre imposante, que nous pouvons étudier à loisir. En revanche, nous ne connaissons rien de l'œuvre de Pythagore, si ce n'est de façon très indirecte et incertaine. Nous avons de nombreux récits sur sa vie, mais où il est difficile, là aussi, de faire la part entre le légende et la réalité. Pythagore est une figure mythique, dans tous les sens du terme. Il est comme l'emblème des mathématiques.

Et certes, il mérite de jouer ce rôle. Ses disciples les plus proches s'appelaient mathematikoi, les mathématiciens, "mathématique" signifiant en grec ancien, la science, ce qu'on enseigne ou qu'on apprend. Et voici ce que dit en effet (deux siècles après) Aristote dans sa Métaphysique : "Ceux qu'on appelle Pythagoriciens s'intéressèrent les premiers aux mathématiques, et les firent progresser. Comme ils avaient été élevés dans cette science, ils crurent que ses principes étaient les principes de toute science ; et puisque par nature les nombres sont les premiers des principes mathématiques, c'est dans les nombres qu'ils pensaient voir de nombreuses similitudes avec les êtres éternels, ainsi qu'avec les créatures soumises au devenir, bien plus encore que dans le feu, la terre, et l'eau" (in Mattei, Pythagore, collections Que Sais-Je). Pythagore devient ainsi la figure du mathématicien par excellence, et du philosophe ou du savant qui veulent expliquer le monde par les mathématiques et le nombre.

On attribue à Pythagore l'invention de la gamme pythagoricienne, proche en fait de la nôtre, et basée sur le rapport de fréquences 3/2 entre les notes (qui correspond à l'intervalle musical de quinte, de Do à Sol). Le fait que l'harmonie semblait reposer sur des quotients simples entiers (3/2, mais aussi 4/3, de Do à Fa, 9/8, de Do à Ré. . . ) venait à l'appui de la conception pythagoricienne du monde comme reflet des mathématiques. Les Pythagoriciens menaient également, semble-t-il, des spéculations sur le Pair, l'Impair. . . peut-être tout autant mystiques que scientifiques.

En effet, plus qu'un savant, Pythagore était sans doute un sage, un philosophe, et le fondateur d'une religion. Il dirigeait une communauté de disciples à Crotone, dans le Sud de l'Italie, et si les mathématiques faisaient partie de l'enseignement qu'il prodiguait, la part religieuse, mystique, les règles de vie et d'éthique qu'il imposait y jouaient vraisemblablement un rôle encore plus important. Sur la vie du maître, sur ses voyages, sur les persécutions dont a été l'objet sa secte, les anecdotes sont nombreuses, et la frontière paraît malaisée à tracer entre l'histoire et la légende.

Qu'en est-il du "théorème de Pythagore" ? Ce résultat était certainement connu des Babyloniens, bien avant Pythagore. . . Peut-être l'a-t-il, le premier, énoncé de façon plus abstraite, et non plus seulement dans des cas particuliers, fussent-ils très nombreux. . . La vraie question qui se pose, c'est de savoir si c'est aux Pythagoriciens que l'on doit la particularité de la science grecque, c'est-à-dire une science spéculative, logique, tendant vers l'abstraction, bien au-delà du sensible ou du simple calcul (voir la notice sur Euclide). Les Anciens Grecs avaient d'ailleurs coutume d'attribuer à Pythagore, à tort ou à raison, tous les résultats fondamentaux de leurs mathématiques.

A Alexandrie, au début de notre ère, a fleuri de nouveau une philosophie se réclamant de Pythagore et de Platon, appelée néopythagoricienne ou néoplatonicienne, et qui accordait un grande importance au nombre, particulièrement aux nombres entiers. L'idée des pythagoriciens, suivant laquelle les nombres expliquent le monde, n'est-elle pas aussi centrale dans notre science moderne ? La Physique mathématique n'explique-t-elle pas elle aussi les phénomènes par les mathématiques ? On a les exemples de l'équation E = M. C^2, ou des structures mathématiques sous-jacente à Théorie de la Relativité ou aux particules élémentaires. Peut-être sommes-nous encore pythagoriciens.