Andrew WILES (né en 1953)


Équipe académique Mathématiques
Christian Drouin, Bordeaux, le 4 avril 2001

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Andrew Wiles a déjà réservé une place éminente dans l'histoire des mathématiques, en démontrant un des problèmes les plus difficiles des mathématiques, qui résistait depuis trois siècles et demi aux efforts des plus grands mathématiciens et aux théories les plus raffinées, le grand théorème de Fermat. L'histoire même de la découverte de sa démonstration par Wiles est extrêmement romantique.

Andrew Wiles est Anglais, né à Cambridge. Il apprend l'existence de la conjecture de Fermat (appelée alors improprement théorème), à l'âge de dix ans, en lisant un livre, et commence dès lors à s'y intéresser. D'énoncé très simple, elle postule que l'égalité en entiers non nuls x^n + y^n = z^n est impossible si n>2, et tous les mathématiciens, depuis plus de 300 ans ans, ont échoué à la démontrer dans toute sa généralité. Wiles mène des études, puis une carrière de mathématicien, très brillantes. C'est alors qu'il réalise, en 1986, que l'attaque de la conjecture de Fermat, même si elle est très difficile, devient possible. L'opinion générale demeure cependant qu'entreprendre cette démonstration constitue une tâche impossible et vaine. Wiles décide alors, d'une part de concentrer toute son énergie sur ce problème, et d'autre part, de ne faire part à personne de son travail, pour ne pas être perturbé par le scepticisme ambiant, ou les curiosités intempestives. Ses recherches restent donc secrètes pendant sept ans ! Il occupe pendant ce temps un poste de professeur à l'Université de Princeton, aux États-Unis.

Après des années de travail acharné, de succès et de découragements, le mercredi 23 juin 1993 à 10 h 30 du matin, à Cambrige (G. B.), il annonce qu'il a démontré la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil dans un cas particulier suffisant à entraîner la conjecture de Fermat. Mais, lors de la révision de sa démonstration, on se rend compte qu'il y a un "trou", qui compromet totalement sa validité ! Tout ce travail risque de s'avérer presque vain. Wiles recommence à travailler, dans l'angoisse pendant de longs mois, avec l'aide de son collègue Richard Taylor. Au bout de 14 mois, le 19 septembre 1994, en essayant de voir dans le détail pourquoi la méthode qu'il a utilisée ne fonctionne pas Wiles finit par "recoller les morceaux", en réemployant une idée qu'il a eue lors d'une période antérieure de ses essais sur la Conjecture. Le 6 Octobre, il envoie sa nouvelle preuve à trois de ses collègues. Tous apprécient cette nouvelle preuve, sensiblement plus simple que la précédente, dont la validité ne fait désormais aucun doute.

Andrew Wiles, ayant plus de 40 ans, ne put recevoir la plus haute distinction pour un mathématicien, la médaille Fields, qu'il méritait pourtant ; aussi le Congrès international des mathématiciens le récompensa par un prix spécial, lors de l'attribution des médailles Fields 1998.

L'encadré ci-dessous tente de résumer en quelques lignes l'histoire des tentatives de démonstration du théorème de Fermat. On pourra consulter, le magnifique livre de vulgarisation Le dernier théorème de Fermat, de Simon Singh, chez JC Lattes, ou, en en anglais, sur le site de l'Université de Saint-Andrews une interview de Wiles, en anglais. La BBC a consacré à l'aventure de sa découverte un remarquable documentaire.

 On sait que Pierre de Fermat écrivit, sans doute vers 1630, dans la marge de l'Arithmétique de Diophante que l'équation x^n + y^n = z^n n'avait pas de quadruplet d'entiers solution vérifiant x,y,z>0, et n>2, et qu'il avait découvert une preuve vraiment remarquable de ce fait, mais que la marge était trop petite pour la contenir. Fermat meurt en 1665 et c'est son fils Samuel qui publie ses papiers, y compris la fameuse note marginale.
Le 4 Août 1753, Euler écrit à Goldbach qu'il a résolu le cas particulier n = 3. Mais sa démonstration contient une grave erreur, due au fait que les propriétés des anneaux d'entiers dans C ne sont pas les mêmes que dans Z. On peut cependant la corriger pour la rendre valable.

Sophie Germain fait faire un grand progrès au problème. Dirichlet et Legendre démontrent en 1825 le cas n = 5, Dirichlet le cas n = 14, Lamé en 1839, avec beaucoup de difficultés, le cas n = 7. Lamé annonce en 1847 avoir démontré le théorème de Fermat. Il factorise l'équation de Fermat en produit de facteurs dans le plan complexe, mais il a besoin pour conclure de l'unicité de la décomposition en facteurs d'un certain type.
Kummer, le 24 Mai 1847, envoie une lettre à l'Académie des Sciences où il établit que l'unicité est fausse, mais où il donne une technique pour s'en sortir quand même, grâce au concept d'idéal. Seuls échappent à la méthode de Kummer les entiers qui divisent les numérateurs de certains nombres de Bernoulli. 37 est un des ces nombres désagréables, d'autres sont 59 et 67, et il y en a une infinité. 1 000 fausses preuves du théorème sont publiées entre 1908 et 1912. Le problème n'avance pas beaucoup, si ce n'est d'un point-de-vue purement quantitatif. En 1983, on a vérifié l'impossibilité de l'égalité pour les valeurs de n inférieures à 4 000 000.
Le bon angle d'attaque vient de la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil sur des courbes elliptiques, de la forme : y^2 = x^3 + ax + b. En 1986, la connexion est faite entre cette conjecture et le Théorème de Fermat, et ce dernier sort de la pure Théorie des Nombres pour être relié aux propriétés fondamentales de l'espace. Andrew Wiles s'y intéresse alors, et après un effort solitaire de 7 ans, suivis de quatorze mois de recherches angoissées pour pallier une erreur de raisonnement, arrive à démontrer le théorème, qui avait résisté 360 ans.