Muhammad AL-KHWÂRÎZMÎ (780 env. - 850 env.)


Équipe académique Mathématiques
Christian Drouin, Bordeaux, le 4 avril 2001

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Nous devons beaucoup à al-Khwarizmi, qui n'a pas sans doute en Europe la célébrité qu'il mérite. Nous lui devons rien moins que notre système décimal de numération, et deux mots fondamentaux dans le vocabulaire des mathématiques, celui d'Algorithme et celui d'Algèbre. Il accomplit dans ce dernier domaine un progrès notable, par son traitement systématique des équations de degré deux.

Il représente ici la nombreuse et valeureuse cohorte des mathématiciens moyen-orientaux, parmi lesquels on peut citer Thâbit ibn Qurra (mort en 901), Ibn al-Haytham, dit Alhazen (965-1039), al Karaji,qui vécut vers l'an 1000, Omar al-Khayyam (1048-1122), al-Tüsi (vers 1170), al-Samaw'al (mort en 1174), et bien d'autres... Il se trouve qu'al-Khwarizmi est chronologiquement le premier d'entre eux. Il fut membre de la "Maison de la Sagesse", à Bagdad (une sorte de centre de recherche, on peut penser au "Musée" d'Alexandrie, dont firent partie Euclide et Eratosthène).

Fondateur donc des mathématiques arabes, il fut aussi l'introducteur dans son aire culturelle d'une grande partie des connaissances de l'Inde en mathématiques. Il écrivit un traité, que l'on n'a pas retrouvé (mais que l'on connaît par l'intermédiaire de ses traductions en latin), dans lequel il exposait le système décimal indien, les méthodes de calcul dans ce système (addition, soustraction, multiplication...), mais aussi les fractions, certains calculs en système sexagésimal, les racines carrées...

S'il donna aux Arabes les connaissances indiennes, al-Khwarizmi les offrit aussi à l'Occident, puisque c'est grâce à la traduction de ses livres en latin que les Européens purent connaître et adopter le système décimal indien, largement perfectionné entre temps par les Arabes. Ces traductions n'apparaissent en Europe qu'au XIIème siècle, sous les titres significatifs de Dixit Algorizmi ("Al-Khwarizmi a dit que..."), ou (pour le même livre) "De numero Indorum (Le Nombre des Indiens), ou Liber Alchorismi (le livre d'Al-Khwarizmi). Ce nouvel et magnifique système de calcul fut donc désigné par les Européens du nom d'algorisme, en hommage à l'auteur de ces ouvrages. On peut donc dire qu'al-Khwarizmi fut le messager du système décimal indien, qui est désormais un élément important de la culture universelle, non seulement dans sa propre civilisation, mais aussi vers l'Europe, par l'intermédiaire des traductions en latin de ses ouvrages.

Al-Khwarizmi a un autre titre de gloire, c'est d'avoir écrit un traité sur les équations du second degré. Celles-ci étaient connues depuis des millénaires, par les Babyloniens par exemple, et des méthodes générales de résolution avaient été données pour certains types d'entre elles par Euclide. Mais c'est al-Khwarimi qui élabore le premier une classification générale, grâce à une vision globale du problème. Il n'utilise aucune notation littérale, et toutes ses résolutions se font en langage "courant". L'inconnue est désignée comme "la racine" ou "la chose". Les résolutions se font, non pas au moyen de calculs, mais à l'aide de constructions géométriques, dans le style euclidien. Le titre de son ouvrage est Kitâb al-jabr wa al-muqâbala, ce que l'on peut traduire par "le livre du rajout et de l'équilibre". L'ouvrage fut traduit en latin au XIIème siècle, sous le titre d'Algèbre (Algebra en latin), car le traducteur conserva le mot arabe (le même phénomène se produit de nos jours pour des mots anglais comme "bug", ou "plug-in", que les traducteurs n'ont pas l'énergie de traduire en français). Voici donc l'origine d'un des mots les plus importants des mathématiques.

Mais outre le mot, Al-Khwarizmi introduisit dans les pays arabes comme en Occident l'intérêt pour la discipline elle-même, éveillé également par les ouvrages d'Euclide ou de Diophante. Les successeurs arabes firent faire des progrès remarquables à l'algèbre. Il ne restait plus à la Renaissance qu'à résoudre de façon générale l'équation du troisième degré (voir Cardan). . . avant celle de degré 5 (résolution impossible, comme l'a démontré Évariste Galois).

l-jabr et al-muqabula sont des "transpositions :

al-jabr correspond à transformer une soustraction dans un membre en une addition dans l'autre membre.
Par exemple : 2 x^2 + 100 - 20 x = 58
devient par al-jabr : 2 x^2 + 100   =  58 + 20 x.

al-muqabala (le balancement) revient à supprimer dans les deux membres l'addition d'un même nombre.
Par exemple : 2 x^2 + 100  =  58 + 20 x
devient par al-muqabala: 2x^2 + 42 =  20 x.

 

Ouvrage : sous la dir. de Roshdi Rashed, Histoire des sciences arabes, SEUIL Tome 2.
Publication de l'Académie de Bordeaux : COURT-MÉTRAGE