Georg CANTOR (1845 - 1918)


Équipe académique Mathématiques
Christian Drouin, Bordeaux, le 4 avril 2001

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Georg Cantor est célèbre avant tout pour sa construction des Nombres Réels, pour sa Théorie des ensembles, et sa Théorie des infinis. La théorie des ensembles occupe une place remarquable au sein des mathématiques, puisqu'elle en constitue le langage et la fondation. On ne peut pas faire des mathématiques sans parler d'ensemble, d'éléments, d'appplications et de bijections. Et la théorie des ensembles intervient encore dans l'enseignement secondaire, même si cela est de façon beaucoup moins systématique que dans les programmes d'il y a trente ans. "La théorie des ensembles, ce paradis dont nul ne doit pouvoir nous chasser", disait David Hilbert.

Avant le milieu du XIXème siècle, les mathématiciens ne se souciaient guère de savoir exactement de quoi ils parlaient, ni d'avoir défini leurs termes premiers, si paradoxal que cela puisse paraître, car un exposé comme celui d'Euclide repose au contraire sur de tels soucis. Les mathématiciens, à cet époque, avaient déjà élevé vers le ciel un édifice prodigieux, mais ne s'étaient guère soucié de ses fondations. L'intuition, géométrique ou infinitésimale, l'évidence, semblaient donner des certitudes suffisantes. Au début du XIXème siècle, apparaissent cependant, chez Cauchy, chez Bernhard Bolzano (Prague,1781-1848), des tentatives de définition de la continuité, de la limite, de la convergence... toutes ces notions premières de l'Analyse. Vers 1870 sont publiées les premières définitions de ce qu'est un Nombre Réel (un nombre associé à un point sur une droite), chez divers mathématiciens : Dedekind, Weierstrass, Méray, et donc Cantor lui-même. Ces définitions, équivalentes entre elles, sont parfaitement rigoureuses.

Mais il fallait que les mathématiciens descendent encore plus bas dans les fondations, et répondent à la question : "Que sont nos objets mathématiques ?". C'est l'objet de la Théorie des Ensembles, fondée simultanément par Cantor et Richard Dedekind (Brunswick, 1831-1916). Dedekind y est amené par des problèmes algébriques, Cantor par des questions d'Analyse. Dedekind définit donc les éléments, qui peuvent former des ensembles, s'ils "sont considérés comme rassemblés sous un même point de vue". Il définit l'ensemble réunion de deux ensembles, leur intersection... La théorie des ensembles va se trouver confrontée à quelques difficultés. Par exemple, soit E l'ensemble des ensembles qui ne s'appartiennent pas. E s'appartient-il ? (Si non, alors oui ; si oui, alors non).

La théorie des ensembles s'élargit, et débouche sur la Théorie des Infinis, à l'occasion d'une magnifique correspondance entre Cantor et Dedekind. Ils se posent le problème de savoir s'il y a autant d'éléments (au sens de l'existence d'une bijection du premier ensemble dans le second), dans N que dans NxN, dans N que dans Q, dans N que dans R (*), dans R que dans RxR etc. Ils arrivent à des conclusions qui les étonnent beaucoup, car nul avant eux n'avait sérieusement réfléchi aux sous-ensembles de la droite réelle. (La réponse à ces questions d'existence est affirmative dans tous les cas, sauf dans le cas (*).) Cantor élargit cette problématique en une Théorie des Infinis. Il définit entre autres les Cardinaux Infinis, deux ensembles pouvant être mis en bijection l'un avec l'autre correspondant à un même cardinal, par définition même de ce dernier concept. Le résultat négatif précédent peut s'énoncer ainsi : N et R n'ont pas le même cardinal.

Cantor parvenait ainsi à donner une définition mathématique précise de l'Infini Actuel, qui pourtant était rejeté avec énergie du champ de la raison depuis Aristote. Esprit religieux, Cantor ne séparait pas ses recherches mathématiques d'un certain mysticisme. D'une grande beauté, et d'une grande importance en philosphie ou en épistémologie, la théorie des infinis est quelque peu vertigineuse, et s'est peut-être révélée moins féconde, au sein des mathématiques, qu'on aurait pu l'espérer. On trouvera une partie de la splendide correspondance Cantor-Dedekind dans le livrePhilosophe mathématique, par Jean Cavaillès, chez Herman. On pourra aussi se reporter au Chapitre VI, par Pierre Dugnac, de l'Abrégé d'Histoire des mathématiques, par Jean Dieudonné, chez Herman.

L'oeuvre de Cantor est loin de se limiter à la Théorie des Ensembles ou à celle des Infinis. il a fait également des découvertes sur les séries trigonométriques, en Topologie Générale, dans la théorie de la mesure. On peut citer l'ensemble triadique de Cantor, sorte de poussière de points (totalement discontinu, sans points isolés, non dénombrable, de mesure nulle), que l'on pourrait appeler, à la suite de Benoît Mandelbrot, un ensemble fractal.

Cantor était allemand ; il a fait la majeure partie de sa carrière à l'université de Halle. Fragile psychologiquement, Cantor était sujet à des épisodes de graves dépressions, particulièrement vers la fin de sa vie.